Communiqué de presse du 23 mars 2021 – Violences sexistes et sexuelles à l’UPEC : un enseignant-chercheur sanctionné… et aussitôt détaché

Fin janvier dernier, la section disciplinaire de l’Université Paris-Est Créteil (UPEC) sanctionnait un enseignant-chercheur à trois ans d’interdiction d’enseigner avec privation de la moitié de son salaire pour des « comportements inappropriés ». Depuis le 1er mars il occupe un poste prestigieux dans une autre institution, dans le cadre d’un détachement de trois ans.

Cette sanction disciplinaire est le résultat d’une longue affaire. Après des premiers signalements en début d’année 2020, pour des faits datant de fin 2019, l’UPEC annonce s’occuper du problème mais c’est seulement fin juillet que la section disciplinaire est finalement saisie par le président de l’université. Dans le cadre de l’enquête qui suit, plusieurs dizaines de personnes (étudiant-es, ancien-nes étudiant-es, doctorant-es) témoignent de violences sexistes et sexuelles qu’elles ont subies ou auxquelles elles ont assisté. Les faits relatés s’étalent sur de nombreuses années, montrant que plusieurs promotions d’étudiant-es sont concernées.

Si la sanction peut sembler lourde, relativement à d’autres affaires similaires, elle n’apparaît pas à la mesure de l’ampleur et de la gravité des faits reprochés :

  • la section disciplinaire rejette la qualification de harcèlement moral et sexuel, sans apporter de justification à cette décision, contrairement à ce qui est pratiqué dans d’autres universités ;
  • elle n’évoque pas, et donc ne traite pas, des faits présentés comme une agression sexuelle qui ont été portés à sa connaissance ;
  • elle ne traite que d’un cas particulier, celui concerné par le signalement initial, sans prendre en compte l’ensemble des témoignages (seules deux étudiantes ont été convoquées et entendues) ;
  • la sanction ne concerne que l’enseignement alors qu’une partie des faits reprochés se sont produits dans le cadre de l’activité de chercheur de la personne mise en cause ;
  • la décision ne dit rien du caractère potentiellement sexiste des violences perpétrées : la quasi totalité des personnes ayant subi les « comportements inappropriés » sont des femmes, étudiantes ou doctorantes, sur lesquelles le mis en cause exerçait, par sa fonction d’enseignant ou son statut de maître de conférences, une autorité ou un pouvoir.

Après avoir strictement interdit aux équipes de la composante et du laboratoire concernés toute diffusion de la sanction en dehors de l’affichage dans les locaux – alors même que d’autres universités publient les décisions disciplinaires en ligne –, l’UPEC ne s’est pas opposée au détachement de trois ans demandé par l’enseignant-chercheur sanctionné. En plus de lui assurer une porte de sortie prestigieuse, ce nouveau poste lui permet de ne pas subir les effets de la sanction.

Cette affaire apporte une nouvelle illustration non seulement de l’incapacité du milieu de l’enseignement supérieur et de la recherche à prévenir et à sanctionner comme il se doit les violences sexistes et sexuelles, mais aussi des inerties et des résistances néfastes de ses institutions. Dans encore trop d’affaires, les établissements se contentent de ne pas renouveler les contrats d’enseignants vacataires, sans ouvrir de procédure disciplinaire, et des titulaires obtiennent des détachements ou des mutations juste après une sanction. C’est inacceptable : en plus de protéger injustement les carrières d’auteurs de violences, ces pratiques perpétuent la vieille technique de la mobilité, qui dissimule les violences et permet à certains de faire de nouvelles victimes. Nous appelons à une révision du Code de l’éducation pour que de tels contournements des sanctions soient rendus impossibles.

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