Communiqué de presse du 19 décembre 2019 – A Sorbonne Université, on protège les harceleurs ?

COMMUNIQUÉ DE PRESSE DU 19 DÉCEMBRE 2019

À SORBONNE UNIVERSITÉ, ON PROTÈGE LES HARCELEURS?

Le CLASCHES a découvert avec stupéfaction la relaxe, après quinze mois de procédure, d’un professeur de Sorbonne Université mis en cause pour des faits s’apparentant à du harcèlement sexuel à l’encontre d’étudiantes en master et en doctorat.

En juin 2018, le CLASCHES avait transmis au président de l’université une demande de saisine de la section disciplinaire. Cette demande était accompagnée de huit témoignages, dont sept rédigés par des victimes. Certaines avaient mis un terme soudain à leurs études, d’autres renoncé à une carrière universitaire à laquelle elles aspiraient de longue date, d’autres encore appréhendaient chaque rendez-vous avec le professeur et mettaient en place des stratégies d’évitement. Par ailleurs, quelque mois plus tard une enquête de Mediapart confirmait l’existence d’aspects « problématiques » dans le comportement professionnel du professeur. Après plusieurs relances du CLASCHES, la présidence de Sorbonne Université a annoncé en novembre 2018 l’ouverture d’une enquête administrative interne préalable à l’ouverture éventuelle d’une procédure disciplinaire.

Neuf mois après la demande initiale (avril 2019), le rapport de l’enquête interne est remis au président. Ce dernier donne enfin une réponse aux victimes : les caractérisations de harcèlement sexuel et moral ne peuvent pas être retenues. Alors que le rôle de la pré-enquête est de statuer sur la légitimité d’entamer une procédure disciplinaire, elle se fait ici instance de jugement et de qualification des faits. Sur la base de ce rapport, le président ne saisit donc la section disciplinaire que pour statuer sur d’éventuels « manquements » en matière d’encadrement des masterant·e·s et doctorant·e·s. Cette décision limite donc dès le départ les marges de manœuvre de l’instruction en écartant ce qui était au cœur des témoignages : les accusations de harcèlement sexuel et moral.

La section disciplinaire procède alors à une nouvelle enquête visant à déterminer si le professeur avait « conservé la distance requise » avec ses étudiantes et s’il avait « fait preuve d’une insuffisance dans l’encadrement » de ses doctorantes. Rendu à l’unanimité à la fin du mois de septembre, le verdict relaxe le professeur mis en cause. Le processus de minimisation des accusations s’accentue : alors que le témoignage d’une étudiante de master évoque deux années de harcèlement, et notamment un baiser non consenti à la suite duquel elle affirme s’être immédiatement éloignée du professeur, le jugement réduit tout cela à un « baiser échangé […] lors d’une soirée organisée en octobre 2015 ». Le rapport de la section disciplinaire insiste plutôt sur le fait que le mis en cause « a reconnu lui-même son erreur et a exprimé ses regrets ». Quant à l’encadrement des doctorant·e·s, la section disciplinaire rejette en bloc les témoignages des victimes et témoins. Alors que cinq doctorant·e·s sur huit inscrit·e·s ont volontairement quitté la direction du professeur depuis le printemps 2018 – fait suffisamment rare dans le milieu universitaire pour qu’il mérite d’être pris très au sérieux –, alors que les témoignages mettent en avant un climat anxiogène et des formes de dénigrement public ou privé, alors qu’ils font état de peur de représailles, la section disciplinaire n’y voit que des « témoignages accusateurs ».

Quelques jours après le verdict, les victimes et témoins apprennent par un article de Mediapart que le président a fait appel de la décision auprès du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) pour que le dossier soit à nouveau instruit. Le CLASCHES ne peut que se réjouir de cette décision, en espérant que la procédure aboutisse, cette fois, à de véritables sanctions. Mais elle ne doit pas faire oublier qu’elle intervient après quinze mois de procédures sinueuses, marquées par la minimisation systématique des faits dénoncés et la déconsidération continuelle de la parole des victimes. L’engagement récent des établissements d’enseignement supérieur et du ministère sur le terrain de la lutte contre les violences sexuelles ne doit donc pas faire baisser la garde : au contraire, il doit renforcer la vigilance collective pour que les choses changent enfin réellement !

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