COMMUNIQUÉ DE PRESSE DU 16 SEPTEMBRE 2021
QUE FAUT-IL DE PLUS AU CNESER ?
Le 10 septembre 2020 a honteusement rappelé à toutes les victimes de violences sexistes et sexuelles dans l’Enseignement supérieur et la recherche (ESR) que les instances d’appel en matière disciplinaire avaient choisi leur camp – et que ce n’était clairement pas le camp des victimes.
Ce jour-là, le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), statuant en matière disciplinaire, a décidé à la majorité absolue de relaxer en appel un enseignant chercheur de l’Université Lyon 2 qui avait été sanctionné deux ans plus tôt pour des faits de harcèlement sexuel perpétrés contre une doctorante qu’il encadrait. En avril 2018, l’Université Lyon 2 avait alors interdit à l’enseignant d’exercer toute fonction d’enseignement et de recherche pendant douze mois, le privant de la totalité de son traitement pour les motifs suivants :
- « Avoir eu un comportement susceptible de constituer un harcèlement sexuel à l’encontre de sa doctorante au moyen de propos et de gestes déplacés durant le mois de mars 2017 » ;
- « Avoir encouragé cette doctorante à signer une convention de stage en lieu et place d’une autre étudiante qui, seule, aurait réalisé le stage » ;
- « Avoir jeté le discrédit sur les collègues composant le comité de suivi institué par l’article 13 de l’arrêté du 25 mai 2016 fixant le cadre national de la formation et les modalités conduisant à la délivrance du diplôme national de doctorat » ;
- « Avoir incité sa doctorante à tromper l’appréciation et la vigilance dudit comité ».
Dans un communiqué de presse du 12 juin 2018, le Clasches s’était d’ailleurs félicité de cette décision, exemplaire en comparaison des dysfonctionnements caractérisant généralement les procédures disciplinaires et de la faiblesse des sanctions prises.
L’exemplarité de la décision était à la hauteur de la robustesse du dossier. La section disciplinaire de Lyon 2 s’était en effet appuyée sur le témoignage de la victime et sur trois enregistrements, par elle-même réalisés, de conversations téléphoniques avec le directeur de thèse. Attentive au respect du droit et de la réglementation en vigueur, la décision disciplinaire concluait que « les faits rapportés concordent » et que « des preuves existent ». Dans un arrêt du 21 juin 2019, en réponse à la demande de suspension de la sanction formulée par l’enseignant chercheur mis en cause, le Conseil d’État avait réaffirmé la validité juridique et le caractère probant d’un enregistrement audio produit à l’insu de la personne dont les propos étaient enregistrés. Pour une fois, la rhétorique de « l’absence de preuves », trop souvent mobilisée pour décrédibiliser la parole des victimes, semblait hors de propos.
Et pourtant… La décision du 10 septembre 2020 du CNESER balaie tout cela d’un revers de la main. Elle ne contient aucune mention des conversations enregistrées. Aucune. Le déni de réalité ne s’arrête pas là : les juges d’appel, dans un retournement des rôles consternant, mettent en doute l’intégrité même de la doctorante, suggérant que la victime souffrait de « faiblesse psychologique ». Appuyant leur décision sur un témoignage mensonger mobilisé par l’enseignant-chercheur mis en cause, malgré la présence dans les pièces du dossier d’éléments contredisant formellement ce témoignage, ils prennent systématiquement le parti de ce dernier et reprennent ses éléments de défense. Y compris lorsque celui-ci incite la doctorante à mentir à son comité de suivi de thèse et à signer une fausse convention de stage. « Même si la démarche de Monsieur X interpelle, les explications du déféré ont convaincu les juges d’appel », indique à ce propos la décision. Une autre manière de dire que les directeurs de thèse, aux yeux du CNESER, ont toute latitude pour s’affranchir souverainement et impunément des règles déontologiques et des normes juridiques.
On peut ainsi voir dans cette relaxe un dernier coup porté aux victimes de violences sexistes et sexuelles dans l’enseignement supérieur qui peuvent se résumer ainsi : « Quelles que soient les preuves que vous accumulez, quelles que soient les sanctions qui sont prises en première instance contre nos pairs, nous ferons tout pour les protéger et protéger notre pouvoir. »
La lutte réelle et effective contre les violences sexistes et sexuelles dans l’ESR, d’abord portée par les victimes et leurs soutiens, concerne toutes ses actrices et acteurs – y compris les titulaires, y compris les professeurs des universités, y compris les membres du CNESER.
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