Recours contre les violences sexistes et sexuelles dans la fonction publique : encore loin du compte !

Le 17 juillet 2013, un projet de loi gouvernemental relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires a été enregistré à l’Assemblée Nationale. Le calendrier d’examen de ce projet, qui a pour ambition de « consacrer l’exemplarité des fonctionnaires dans l’exercice quotidien de leurs missions au service de l’intérêt général » n’a pas encore été communiqué.

Depuis plusieurs années, nos deux associations alertent les pouvoirs publics sur l’inefficacité des procédures disciplinaires de la fonction publique en matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Elles dénoncent des règles disciplinaires inéquitables et structurellement défavorables aux victimes. La situation des universités est un exemple criant : les sanctions à l’encontre des agents harceleurs font office d’exception, alors que, comme tous.tes les intervenant.es du colloque organisé le 11 octobre par le CEDREF1 à l’université Paris Diderot l’ont rappelé, le harcèlement sexuel dans l’enseignement supérieur et la recherche n’est pas une vue de l’esprit.

La loi sur le harcèlement sexuel, adoptée le 6 août 2012, n’avait intégré aucune mesure susceptible de corriger ce constat dans la fonction publique.

La révision du statut général des fonctionnaires dans le cadre de ce projet de loi est une occasion pour le Gouvernement de changer la donne et de faire cesser la quasi-impunité dont bénéficient les agresseurs.

REFORMER LA PROCÉDURE DISCIPLINAIRE

Le projet de loi doit donc être amendé pour que les règles disciplinaires de la fonction publique prennent enfin les victimes en compte. Dans les cas d’atteinte à l’intégrité physique ou psychique de la personne, les victimes doivent :
– pouvoir saisir directement l’instance disciplinaire, alors qu’actuellement cette saisine relève de la seule opportunité de l’administration (par exemple le/la président.e de l’université), qui peut donc s’abstenir de le faire ;
– avoir accès au dossier tout au long de la procédure, alors qu’actuellement, reléguées au seul statut de témoin, les victimes sont privées de consulter ce dossier qui les concerne pourtant au premier chef ;
– être destinataires des décisions des instances disciplinaires, alors qu’actuellement seuls le mis en cause et l’administration le sont ;
– pouvoir faire appel des décisions de l’instance disciplinaire, alors qu’actuellement seuls le mis en cause et l’administration le peuvent.
En outre, la loi doit prévoir l’impossibilité pour les membres des instances disciplinaires d’appartenir à la même administration ou au même établissement public que le mis en cause pour parer au risque que les décisions soient prises à l’aune des relations qu’entretiennent juges et mis en cause.

Seule l’introduction de ces mesures permettra à la fonction publique de se doter de procédures disciplinaires capables de sanctionner les auteurs de violences sexistes et sexuelles.

DES DISPOSITIONS SUR LA PRESCRIPTION PARTICULIÈREMENT PRÉJUDICIABLES AUX VICTIMES

L’article 27 du projet de loi « met fin à l’imprescriptibilité de l’action disciplinaire ». Il dispose : « Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d’un délai de trois ans à compter du jour où l’administration a eu connaissance des faits passibles de sanction. Ce délai est interrompu jusqu’à leur terme en cas de poursuites pénales exercées à l’encontre du fonctionnaire. Passé ce délai et hormis dans le cas où une autre procédure disciplinaire a été engagée à l’encontre de l’agent avant l’expiration de ce délai, les faits en cause ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d’une procédure disciplinaire ».

Autrement dit : si une administration, informée d’une plainte pour harcèlement sexuel ne convoque pas de section disciplinaire – sans qu’elle n’ait d’ailleurs l’obligation de le motiver – et que plus de trois ans plus tard, une nouvelle plainte met en cause la même personne, l’évocation de la première plainte à l’appui de la seconde sera interdite.

Cet article, s’il était voté, priverait donc les victimes d’un moyen de preuve précieux dans ce type de dossiers. Il doit donc être amendé de manière à préserver leurs droits.


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